Les 3
Paroisses de la vallée
St J.
M. Vianney, St Marc Jaumegarde, St Etienne de Vauvenargues
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LE PETIT ROC
94,
avenue Fontenaille
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Accueil :
samedi de 10h à 12h
les3paroissesdelavallee@gmail.com
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Tél :
04 42 23 13 46
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N° 675 JUIN 2018
Chemins
de traverses : le temps des vacances
En
prenant la route, comme le firent notre Père à tous Abraham, puis Moïse, Elie,
Jésus et tant d’‘autres personnages de la Bible, le « pèlerin »
laisse derrière lui sa demeure, mais aussi ses certitudes, ses routines, la
trame d’ordinaire qui lui lie les mains. Il va au devant de soi dans
l’ignorance de l’homme qu’il est et dont il est justement à la recherche. Le pèlerinage
est un arrachement consenti à soi en quête d’un autre regard sur le monde et,
pour le croyant, c’est raviver l’Alliance avec Dieu.
Les
rencontres sont innombrables sur le chemin avec les liens qui se créent, les
amitiés, les correspondances qui s’établissent, les retrouvailles ultérieures
ou plus simplement l’échange d’un moment noué en une poignée de paroles ou un
sourire, un service rendu, un bref partage d’existence mais qui marque par son
incandescence. Moments durables ou provisoires de célébration du fait
d’exister.
La
marche élague les différences sociales, culturelles, ou générationnelles, elle
rétablit le lien social au plus élémentaire, à l’essentiel. Elle dépouille des
apparences, des préventions, elle rend disponible, elle met à nu, elle
restaure la primauté́ du visage sur les fonctions ou les positions sociales.
La
marche invite à penser le monde dans le plein vent des choses et rappelle à
l’homme l’humilité́ et la beauté́ de sa condition. Le pèlerinage était
autrefois une libération des péchés, une certitude de ne pas mourir en état de péché́
mortel. Celui qui mourait au bord du chemin gagnait le paradis. Aujourd’hui, la
quête est plutôt celle d’une purification de soi, d’un examen de conscience. Le
paradis consiste à se reprendre, à mieux faire chair avec soi. Toute marche
de longue durée aboutit à la même transformation intérieure. Elle commence en randonnée,
mais se mue en pèlerinage vers une existence plus à la hauteur de son exigence
propre. Le marcheur est aujourd’hui le pèlerin d’une spiritualité́ personnelle.
Son cheminement est une forme déambulatoire de prière sous le regard de Dieu ou
bien, tout simplement offerte sans restriction à l’immensité́ du monde autour
de soi.
Marcher
implique de réduire l'usage du monde à l'essentiel. Le chargement à emporter
doit être restreint à une poignée de vêtements et d'ustensiles, de quoi faire
un feu ou ne pas mourir de froid, des instruments pour se repérer, de la
nourriture, des livres bien entendu. La
marche est une voie de déconditionnement du regard, elle fraie un chemin non
seulement dans l'espace, mais en soi, elle mène à parcourir les sinuosités du
monde et les siennes propres dans un état de réceptivité́, d'alliance.
Si
l’on se donne aux lieux traversés, ils se donnent à nous. La marche mène à
des moments où le monde s'ouvre sans réticence et se révèle sous un jour émerveillé́.
En le découvrant à pas et à hauteur d'homme le marcheur se met en situation
de se découvrir soi dans l’expérience d’événements inattendus car, de même que
l'existence, une marche est faite de plus d'improbable que de possible.
Dans
l'usure de la marche, il y a parfois assez de puissance et de beauté́ pour que
se dissolve la souffrance qui a présidé́ au départ, lavée au contact des chemins,
érodée dans la nécessité́ de la progression, celle-ci se fait moins incisive. Au
fil du temps ce n'est plus la résistance à la douleur qui motive l'avancée,
mais l'appel à la métamorphose de soi, à une remise au monde, à la confiance
dans l’amour du Père.
La
traversée d’une épreuve morale trouve dans l’épreuve physique qu’est la marche
un antidote puissant qui modifie le centre de gravité de l’homme. En plongeant
dans un autre rythme, une relation nouvelle au temps, à l’espace, aux autres, à
Dieu, par ses retrouvailles avec le corps, le sujet restaure sa place dans le
monde, il relativise ses valeurs, ses épreuves, et reprend confiance en ses
ressources propres. La marche le révèle à lui-même, non sur un mode
narcissique, mais en le rétablissant dans le goût de vivre, le lien social et
l’intimité avec Dieu. Sa durée, son âpreté́ parfois, le rend en effet
susceptible de rompre une histoire personnelle douloureuse, d’ouvrir des
chemins de traverse à l’intérieur de soi, loin des sentiers battus où le désarroi
se ruminait à l’envie. Dans la trame du chemin, dans le dialogue avec Dieu, essayons
de retrouver le fil de l’existence !
(Inspiré de David Le Breton,
écrivain marcheur)